Nous l’avons écrit dans « L’histoire de Stela », il y a des personnels attentionnés et attentifs, et les autres. Avec le temps, on apprend à les reconnaître de loin. A leur façon de s’adresser au patient, à dialoguer avec l’entourage, à faire des gestes et des soins. Nous parlons du milieu médical. C’est valable pour tous les autres domaines, bien entendu, mais puisque nous sommes confrontés aux coulisses du monde hospitalier, cet article lui est destiné.
Stela a fait un examen ophtalmologique appelé PEV. Pour faire simple, cela permet de savoir si le signal passe de l’oeil au cerveau pour supposer si elle voit ou pas. Supposer parce que le signal peut passer mais il peut y avoir une défaillance sur le plan du traitement de l’information. Nous avons bien sûr une idée sur le résultat du PEV mais quand, au bout de 6 mois d’attente, la spécialiste résume le bilan en « Les courbes sont belles », nous nous demandons si nous sommes trop exigeants ou si les médecins d’aujourd’hui sont inhumains. La poignée d’internes présents comme à chaque fois dans le cabinet n’a pas réagi : voici comment on transmet le relai aux futures générations. Personne ne pose de questions. Et on continue de parler en sigles.
L’amie d’une collègue raconte que son petit garçon s’est fait opérer des yeux. Tiens, justement, cela nous concerne! Après l’opération, jugée réussie, les parents demandent à leur amie ayant, elle, quelques connaissances du monde médical d’interpréter les résultats du compte-rendu de l’opération, obtenu au bout de longues heures d’attente et après avoir insisté un peu. L’amie regarde, lit et explique, en des termes simples, l’opération sur l’oeil gauche où l’enfant avait, en effet, un nistagmus. « Ah bon, s’exclament les parents, étonnés. – Ils lui ont fait ça? » A l’idée des consultations rapides, sans réel dialogue, souvent dans la précipitation car il y a beaucoup trop de monde en salle d’attente (!), s’ajoute, à juste titre, le manque de communication et l’absence d’explications. Mais comment? Et pourquoi?
Nous avons déjà parlé de cet étrange sentiment de déranger avec nos questions ou encore de venir avec des solutions supplémentaires pour notre fille. Solutions alternatives, peu reconnues et parfois jugées douteuses. Comme droguer Stela avec du CBD. Parce que les traitements qu’elle prend déjà ne sont pas des drogues?
Et les gué-guerres entre personnels (anciens-nouveaux, ceci-cela …) qui se répercutent sur l’ambiance générale et jouent forcément sur l’accueil et la prise en charge du patient, on en parle? Et les discours discordants d’une équipe à l’autre? Et les personnels venant faire le soin à Stela et, voulant la distraire car elle s’agite à l’approche d’une voix inconnue qui plus est n’étant pas rassuré lui transmet du stress, agite devant son nez un jouet multicolore. Mais bon sang, n’avez-vous pas vu dans son dossier qu’elle était non voyante?!
Nous avons aussi fini par venir aux consultations (et Dieu sait qu’elle sont nombreuses pour Stela!) avec une petite fiche. Non pas que nous ne soyons pas sociables mais si à chaque fois il faut raconter l’histoire de notre fille et récapituler les traitements qu’elle prend … Il suffit donc de passer à l’infirmière la liste des médicaments qu’elle recopie scrupuleusement sur une autre feuille. Ca y est, les cases sont remplies et elle repart. Sinon, comment allez-vous? Avez-vous besoin d’un fauteuil pour donner le biberon à la petite? Même pas.
Nous en avons plein, d’anecdotes comme ça. Nous avons appris à en rire même si parfois c’est loin d’être rigolo … Et quand on lit les témoignages des personnels dévoilant les coulisses peu attirantes de leur quotidien, aux CHU justement, cela nous rappelle des choses et en explique aussi un certain nombre.
D’accord sur des conditions dégradées. Ok pour les horaires atypiques. Nous, en tant que parents, n’avons pas d’horaires tout court. Surtout avec une fille polyhandicapée et ses besoins particuliers. Mais quand même, si des deux côtés il y a souffrance (patient / personnel soignant), ne serait-il pas temps de trouver des solutions ensemble?
Cet article de la Dépêche parle des personnels qui travaillent dans le milieu hospitalier. Nous avons tendance à penser qu’ils ne sont pas de l’autre côté de la barrière car nous sommes avec eux dans le même bateau !!! Et bien sûr, nous ne voulons pas généraliser car, comme partout ailleurs, il y a des gens dévoués à leur métier et qui, malgré les contraintes administratives et des mentalités de « flux » et de « gestion de lits », donnent de leur temps et restent bienveillants. Un simple regard peut parfois suffire …
Article paru dans la Dépêche « Témoignages : la détresse des soignants »